Qui vient ? Les soies de Marie : un tour du monde de la soie

- Bonjour Marie ! Peux-tu te présenter et nous expliquer un peu ton parcours?
 
Mon goût pour le textile vient de ma petite enfance : J'ai grandi dans une ville de Normandie dont le textile était l'industrie principale et j'ai été bercée par le bruit des métiers à tisser des petits ateliers familiaux, l'odeur des balles de fils de coton et j'ai des souvenirs de parties de cache-cache dans les étagères des réserves de tissu...
Malgré une formation de libraire, j'ai vite été rattrapée par l'amour des fibres, et quand je me suis mariée, exilée au fin fond de la Sologne, j'ai entrepris une étude sur les fibres textiles et leur transformation. C'est à cette époque, dans les années 70, que j'ai commencé à filer, teindre, tisser... A peu près tout ce qui se file est passé entre mes mains, animal ou végétal. Quelques 10 ans et 3 enfants plus tard, il ne me restait plus que la soie à aborder.
Je n'étais pas fan de cette matière : je n'aimais pas les soieries chinoises et les tissus lyonnais du XVIIIème me paraissaient trop chargés...comme quoi on peut changer !
 
 A cette période, une relance de la sériciculture en Cévennes battait son plein. J'ai donc pu bénéficier de formations à la sériciculture et ce fut un vrai coup de foudre. Installée en Anjou le hasard ( mais est-ce du hasard?) m'a fait tomber sur des archives locales oubliées où il était question d'élevages de vers à soie. Il me paraissait évident qu'il fallait remettre à jour cette production dont personne ne se souvenait ici. Mes premiers élevages angevins datent de 1984, après une interruption de 99 ans...
Parallèlement je peaufinais mes techniques de teinture végétale. J'ai suivi la formation d'Anne Rieger, et je suis allée à la rencontre des teinturiers d'autres pays (Turquie, Inde, Madagascar...) et en ai tiré « ma » méthode, à mi-chemin entre bouillon et fermentation, apparemment efficace puisque j'ai contribué à la reconstitution de textiles anciens pour des particuliers ou des musées et que mes fils et mes teintures ont franchi tous les tests avec succès.
 
Mais d'années en années les élevages de vers à soie devenaient quasi impossibles en France, à cause de la pollution atmosphérique liée à l'utilisation en agriculture d'insecticides qui bloquent l'hormone qui permet au ver de filer son cocon et de se métamorphoser à l'intérieur. En bref les vers à soie ne filent plus.
Pour cette raison, je me suis intéressée aux autres soies, dites « sauvages », dont les chenilles sont plus rustiques et moins sensibles aux inhibiteurs de croissance. C'est à cette époque que j'ai commencé à élever le ver « éri », dont la chenille mange du ricin, et qui donne une soie rustique mais très confortable.
  
En 2001 à partir de mes élevages de bombyx j'avais commencé une production de fils pour la broderie et la dentelle teints en teinture végétale : Les Soies de Marie, mais les difficultés liées aux élevages en Europe m'ont poussée à retourner à l'étranger pour y chercher des cocons.
Ne voulant pas me borner à un acte purement commercial, je voulais aussi en achetant des cocons participer au développement local, et c'est à Madagascar que le besoin s’'est fait le plus ressentir.
 
Teinture à Madagascar
 
 Beaucoup de familles élèvent des vers à soie mais n'ont pas de débouchés pour leur production : Les quantités produites me permirent d'envisager la production de fils à tricoter, nettement plus consommatrice de soie que les fils à broder, et j'ai créé Madasilk avec un ami en 2005. Les événements politiques malgaches de 2009 et la situation économique qui s'en est suivie nous ont contraints à fermer l'atelier en 2014. Mais un autre projet est déjà en train de voir le jour...
 
- Tu voyages beaucoup, quelle(s) destination(s) t'a particulièrement inspirée ou fascinée dernièrement?
 
Je ne voyage jamais en touriste :  Mes déplacements à l'étranger sont toujours axés soit sur la soie, soit sur la teinture, professionnellement dans le cadre de missions ou personnellement.
J'ai effectué en mars dernier une mission en Inde pour l'agence de développement allemande GIZ  sur la teinture végétale de la soie éri. La mission se déroulait au Meghalaya, état de l'extrême est de l'Inde. J'y ai découvert une culture fascinante, matrilinéaire, où les femmes sont des maitresses femmes, teinturières et tisserandes renommées. Je me suis régalée et j'espère y retourner.
 
Teinture au Meghalaya
 
Le Laos m'a beaucoup plu aussi. J'y allais pour rencontrer Philippe Schmidt, chirurgien français installé au Laos depuis 15 ans après une mission humanitaire, et qui a fondé « Maï Savanh Lao », entreprise sociale de filature/teinture/ tissage de la soie. Nous avons désormais des projets communs sur la soie éri et la teinture végétale.

Tissage au Laos
 
Mes prochains voyages : fin 2015: le Cambodge, pour une ONG qui développe la sériciculture dans un village, et le Laos, et début 2016 : Madagascar pour démarrer le nouveau projet sur la soie éri et des formations au dévidage des cocons pour des producteurs de soie.

 Dévidage des cocons au Cambodge
 
 
- Quelles soies et autres merveilles pourrons nous trouver sur ton stand cet été au festival?
 
En France la soie est mal connue et reste un symbole de luxe et de richesse. J'ai envie de faire découvrir les faces cachées de la soie, celles qui concernent les « autres « soies : soie éri, soie muga, soie tasar, soie d'araignée...plus rustiques, voire « paysannes » pour certaines, filées à la main la plupart du temps, elles sont tout aussi magnifiques, en tissage ou en tricot. Certaines sont rares, d'autres plus courantes, mais toutes magnifiques ! J'aurai aussi mes fils « phares » Tana et soie Lao.
 
Je vais également apporter des fils fins, teints ou non, pour le retors. Une petite touche de soie dans une laine filée main apporte de la lumière et de la légèreté.
Et également des cocons à filer.
 
Merci Marie, et au plaisir de découvrir ces merveilles cet été !
Vous pourrez suivre les aventures de Marie sur son blog ou et sur son site où elle propose ses fils et modèles.

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